Ups & Downs
Quatre mois de vécu au Ghana paraissent suffisants pour effectuer une ébauche d’évaluation. Le fait de consigner précieusement et si possible régulièrement l’évolution des événements, voire mes impressions, contribue à l'analyse.
Les ‘ups’ du séjour se résument à mon esprit d’ouverture vis-à-vis de l’étranger. Dès le début, je me suis mise à goûter aux plats locaux, j’ai appris quelques mots basiques en twi, langue vernaculaire.
Les ‘downs’
A première vue, Accra est comme toutes les capitales occidentales. On y trouve des endroits variés pour sortir et se divertir, pour pratiquer les loisirs. A y regarder mieux, la description requière quelques nuances. C’est peut-être justement là qu’on réalise qu’on se trouve dans un pays à faible revenu (http://www.oecd.org/dataoecd/43/51/35832713.pdf). Ce que j’entends par là est qu’il y a moyen d’identifier des points faibles à chaque lieu, situation.
Le moyen de transport le plus commun et moins cher que le taxi –les chauffeurs demandent beaucoup plus pour une course aux ‘obrownies’/Blancs/touristes (tous se valent selon eux) – est le tro-tro, minibus ramassant les gens sur le trajet. J’opte pour ce moyen dès que je peux puisque la différence de tarifs avec les taxis est vraiment non-négligeable (par exemple, 5000 cedis au lieu de 20 000 au minimum). Il faut bien sûr se renseigner pour connaître les points d’arrêt et la direction que suivent les tro. Il y a toujours un ‘mate’, sorte de convoyeur, récoltant l’argent des passagers et criant la destination et les arrêts. Les tro-tro sont plutôt fréquents, parfois trop nombreux se rendant à la même destination ; du coup, ils ne rencontrent plus de passagers que leurs homologues ont déjà ramassés. Pour descendre, il faut indiquer au ‘mate’ l’endroit en l’énonçant si c’est possible ou simplement en disant ‘bus stop’. Il arrive souvent qu’il faille déranger du monde pour se frayer un chemin vers la porte coulissante, surtout si l’on est assis(e) au fond. L’avantage du tro-tro est qu’il véhicule l’image des gens ordinaires, épargnant ainsi les demandes des mendiants stationnant aux carrefours.
A la station des tro-tro ‘37’ près de l’hôpital du même nom – on dit que les nombreuses chauves-souris s’y sont un jour rassemblées pour assister à l’enterrement d’un chef traditionnel –, il est possible de prendre un ‘shared taxi’ (taxi partagé) se rendant dans un même quartier d’Accra. Plus confortable mais moins cher que le taxi ‘drop in’ (‘patrouillant’ dans les rues à la recherche d’individus pour les conduire jusqu’à leur destination), il est aussi plus pratique que le tro lorsque la destination souhaitée s’éloigne du parcours de ce dernier : plus flexible donc.
Accès payant
L’accès à la plage la plus connue à Accra, Labadi Beach, est payant : 5000 cedis les jours de la semaine, 15 000 les jours de congé, 20 000 le week-end. Les vendeurs– d’objets artisanaux, de lunettes de soleil, etc. – sont capables d’insister lourdement auprès des touristes pour vendre ou vernir les ongles. Pour résumer, je dirais que si l’on cherche la quiétude et le répit, Labadi n’est pas l’endroit idéal. Au contraire, c’est une plage animée, avec même des troupes de danseurs, d’acrobates, de prestidigitateurs – enfin j’espère car ils avalent des débris de verre pour épater le public.
Personnellement, je trouve – et je ne suis bien sûr pas la seule à le penser – que le coût de la vie – la nourriture, l’eau minérale, le logement, etc. – est assez élevé à Accra. C’est sans parler du divertissement comme l’entrée de certaines discothèques. Un Ghanéen rencontré à l’Université de Bristol a été choqué par la croissance des prix entre son départ et son retour un an et demi plus tard. Le Ghana s’est vu félicité cette année pour un taux d’inflation – exceptionnel – à un chiffre !
Evidemment, tout est relatif et dépend des ressources, mais aussi du mode de vie, de chacun. Les modes de vie des expatriés sont différents de ceux de la majorité des Ghanéens. En tant que volontaire, j’estime me situer entre les deux extrêmes puisque je gagne plus qu’un(e) travailleur(-euse) ghanéen(e) tel(le) qu’un(e) homme/femme d’entretien. Cette inégalité ne choque pas tout le monde à entendre les propos de certains étrangers.
Les boutiques chics et branchées – chères comme en Occident – contrastent avec les vendeurs ambulants trimballant vêtements et chaussures de seconde main pour lesquels il convient de marchander. Entre les deux, il y a les magasins – épiceries, confection, vêtements et chaussures de seconde main – hébergés dans des conteneurs. Au niveau ‘inférieur’ les échoppes présentent des fruits, légumes et autres marchandises. Largement, la nourriture est vendue sur la rue. Les biens à portée de tous sont similaires, voire identiques, et assez grossiers. Au marché, on trouve une multitude de femmes vendant les mêmes produits ; seul le prix, après marchandage, pourra les distinguer.
Non-droit des consommateurs
Ces caractéristiques liées aux prestations de services et à la consommation de biens semblent provenir du fait que le Ghana appartient à la catégorie des pays ‘en voie de développement’. Cependant, ayant ouvert ses frontières – entre autres en raison des conditions de prêts imposées par les institutions financières internationales (IFIs) –, des compagnies étrangères, telles que des opérateurs de télécommunications (par exemple Alcatel), fournissent des biens et services qualitativement comparables à ceux des pays développés au bénéfice de la couche de population la plus favorisée.
Je ne peux, par économie de temps et d’espace, bien sûr pas aborder plus de sujets en détails. Les besoins de la société sont les mêmes partout: la santé, l’éducation, le logement, le travail, etc. mais il me semble que les enjeux sont davantage cruciaux dans des pays comme le Ghana. Considérons l’emploi : l’économie informelle définie comme ‘travail indépendant dans des petites entreprises non-enregistrées et emploi salarié dans des jobs non-régularisés et non-protégés’ (http://www.wiego.org/news/events/ghana.php) emploie environ 90 % de la force de travail au Ghana (http://www.gepatu.org/docs/ORGANISING.doc). Les IFIs ont ici aussi joué un rôle important en imposant, en échange des prêts, que le gouvernement 1) privatise les industries nationales – ce qui a causé des licenciements de masse – et 2) réduise les dépenses publiques, c’est-à-dire qu’il mette fin à l’assistance sociale. (http://www.waronwant.org/?lid=12140) A cause du remboursement de la dette, les Etats endettés sont tenus de reverser le moindre revenu aux donateurs au lieu d’investir sérieusement dans les capacités de développement, qui rappelons-le est censé être avant tout un progrès, pas seulement économique mais aussi social, au bénéfice des êtres humains. Cercle vicieux, donc, dans lequel sont pris les pays dépendants des fonds internationaux, même de la prétendue aide internationale (lire l'article en ligne du Monde Diplo pour une généalogie de l'aide http://www.monde-diplomatique.fr/2004/09/SOGGE/11433).
Le désengagement du gouvernement a sans doute contribué à l’émergence et l’expansion des initiatives non-gouvernementales. Toutefois, l’échelle à laquelle opère le secteur privé est limité et ne permet pas d’atteindre l’entièreté de la population. Donc, des inégalités se créent et se perpétuent.
Précarité des producteurs
Dans ma description, je ne sors pas non plus du cadre circonscrit de la capitale. Les populations sont plus désavantagées dans les régions rurales et dans le Nord où le secteur dominant est l’agriculture. Celle-ci n’est pas capable de rivaliser sur les marchés intérieurs avec les importations. Les gouvernements des pays exportateurs – d’Europe, des Etats-Unis –distribuent des subsides faramineux à leurs fermiers qui surproduisent et vendent ensuite sur les marchés extérieurs à prix cassés.
En conclusion, ce papier relate avant tout mon appréciation des conditions de vie à Accra. Il allie malgré tout mon expérience personnelle à certaines informations du web. Le portrait que je trace est un fragment de l’image plus complète dont moi-même je dispose en réalité. Il est difficile de partager toutes les idées au regard de trois pages déjà bien remplies. L’essentiel est que face aux difficultés éprouvées par la grande majorité des locaux, mes propres défis se sont éclipsés. Le sujet s’est détourné – de ce qui au départ dans mon esprit allait expliquer les ennuis auxquels je suis confrontée – vers l’essence du Ghana.. J’aimerais continuer mes investigations pour tenter d’approcher davantage la situation de ce pays. Tâche ardue à chaque fois mais pas impossible.